Attractivité économique de Taïwan : opportunités et risques ?

Par Risk & Ops | 2 juin 2025 | Actualités

Carrefour commercial stratégique mondial en raison de sa position géographique, Taïwan (République de Chine) se distingue par sa forte économie notamment dans le secteur des technologies de pointe. Classé parmi les 20 premières économies mondiales en termes de Produit Intérieur Brut (PIB) par habitant, et offrant des opportunités d’investissements attractives, l’île doit cependant composer avec sa dépendance de la conjoncture mondiale en matière d’échanges commerciaux, ainsi qu’avec les tensions géopolitiques croissantes avec la Chine continentale, qui demeure son principal partenaire commercial, tant en matière d’importations que d’exportations.

Depuis les années 1960, Taïwan a connu une transformation économique remarquable. Passant d’une économie principalement agricole à une économie industrielle et technologique avancée, elle devient l’un des « quatre dragons asiatiques », avec la Corée du Sud, Hong Kong et Singapour, ayant connu un développement économique et social rapide à la charnière des années 1970. L’économie taïwanaise a poursuivi son essor économique grâce à sa politique d’attraction des investissements directs étrangers (IDE).

À des fins de faire de Taïwan, la « Silicon Valley Asiatique », le gouvernement a lancé des initiatives, comme le programme « 5 + 2 industries innovantes » (Digital Nation & Innovative Economic Development Program, DIGI+), qui regroupe sept projets de développement économique. Ces projets visent à transformer les structures économiques et industrielles taiwanaises et promouvoir des secteurs tels que la défense nationale, l'Internet des objets (IoT) ou encore l'énergie verte.

Avec une économie très orientée vers l’international et une balance commerciale excédentaire, elle constitue un foyer idéal pour les IDE. Un marquant fort pour la R&D, une main-d'œuvre abondante, qualifiée et abordable et des marchés financiers en plein essor en font un pays attractif.

Depuis 2013, un Plan d’action pour le développement intensif des investisseurs a été lancé pour encourager les sociétés de gestion étrangères à accroitre leurs investissements. Révisé chaque année, il entend couvrir trois catégories : présence locale à Taïwan, actifs locaux sous gestion et développement des talents locaux. Grâce à ce plan, la France est le 16ème investisseur étranger avec un stock de 3,8 Md USD, soit moins de 1% du stock total.

Les incitations aux IDE, soutenus par plusieurs programmes, peuvent prendre la forme d'exonérations fiscales, de crédits ou reports d'impôts, de prêts à faible taux d'intérêt, d'incitations à la location de terrains, de subventions à la R&D, etc. En 2024, plus de 2 200 projets d’IDE ont été approuvés selon les statistiques 2024 du Ministère de l’économie taïwanais.

Certains acteurs français ont saisi ces opportunités pour devenir des leaders locaux dans leur secteur d’activité, par exemple Dassault Systèmes dans les logiciels 3D ou Air Liquide dans les gaz industriels. Des banques françaises sont également en pointe dans le domaine de la finance verte (Société Générale, CACIB, BNP Paribas). En 2019, elles ont notamment assuré le montage financier du projet Formosa I, le premier projet de ferme éolienne offshore taïwanais.

La qualité de la présence française repose aussi sur des partenariats stratégiques dans la durée, c’est le cas d’Air Liquide avec Far Eastern Group (depuis 1987), de Carrefour avec Uni-President (depuis 1989), de Véolia avec Taiwan Cement (depuis 1992), de Total Lubrifiants avec Kenda (depuis 1992) ou encore d’Auchan avec Ruentex (depuis 1997).

En avril 2025, le nouveau projet de la Chip Team Taiwan, visant à mobiliser la chaîne d’approvisionnement taïwanaise, prévoit de mettre en place de nombreux partenariats étrangers qui pourraient intéresser des startups et PME françaises, portées par la dynamique de la French Tech.

Taïwan se classe ainsi au 15ème rang en termes d'investissements sortants, avec 24,7 milliards de dollars en 2023, selon les données du Rapport sur l’investissement dans le monde 2024 (CNUCED). Cette même année, les flux d'IDE entrants à Taïwan ont atteint 10,1 milliards de dollars, soit le double de 2022. En parallèle, les IDE sortants dirigés vers la Chine continentale ont considérablement reculé, passant de 42% en 2012 à 5% en 2023, notamment en raison des troubles géopolitiques entre les deux pays. En revanche, les investissements en Inde et au Vietnam ont augmenté, représentant un quart des projets totaux d'IDE sortants, s’inscrivant dans la volonté taïwanaise de moins dépendre de son grand voisin, selon cette même source. À ce titre, la Nouvelle Politique en direction du Sud (NDPS ou New Southbound Policy) mise ne place en 2016, intervient pour capter les marchés des pays de l’Asie du Sud-Est.

Les tensions commerciales entre la Chine continentale et les États-Unis et la priorité du gouvernement de Lai Ching-te (William Lai) à la souveraineté nationale entrainent un retour des investissements locaux des entreprises taïwanaises. Certaines souhaitent se diversifier en particulier dans l’industrie des technologies de l'information et de la communication (TIC). De nouvelles opportunités de coopération s’offrent ainsi aux entreprises françaises dans l’IA, l’IoT, le véhicule autonome, l’industrie 4.0, la 5G, le stockage de l’énergie, les énergies renouvelables, etc.  Dans le secteur de l’IoT, l’opérateur de télécommunications français Sigfox et son partenaire Unabiz, ont déjà remporté des projets de transports intelligents (smart parking) et de gestion de l’énergie (compteurs intelligents).

En raison de sa dépendance de la conjoncture internationale concernant les échanges commerciaux mondiaux, Taïwan a fait le choix de diversifier ses secteurs clés, pour se concentrer dans les domaines de la finance, de la technologie de pointe et de l’économie numérique.

Taïwan dispose d'un marché à deux vitesses pour les actions et les obligations, composé de la Bourse de Taïwan (TWSE) et de la Bourse de Taipei (TPEx), qui comptent parmi les places boursières les plus actives de la région Asie-Pacifique. Selon les données officielles communiquées par la TWSE, à la fin de l’année 2024, la capitalisation boursière a atteint un niveau record de 99,72 billions de TWD (environ 3,04 billions de USD), dépassant le précédent sommet de 95,52 billions de TWD enregistré à la fin de l’année 2021. Cette même année, Taïwan a enregistré une progression notable dans les classements financiers mondiaux, sa capitalisation boursière passant de la 17e à la 12e place, tandis que son classement en termes de valeur des transactions s’est hissé de la 19e à la 10e place.

La croissance du marché boursier taïwanais a été principalement portée par Taiwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC), le plus grand fondeur mondial de semi-conducteurs. Représentant 38 % de la capitalisation, le cours de l’action de TSMC a augmenté de 81,3 % en 2024.

En effet, le pays excelle dans la production des semi-conducteurs, dont la demande continue à stimuler les exportations avec l’essor de l’IA et du Cloud. Ce commerce joue un rôle crucial dans le développement de l’électronique moderne. C’est d’ailleurs le principal pôle de la chaîne d’approvisionnement, produisant plus de 60% des semi-conducteurs mondiaux en 2022, selon les données de Statista.

Aussi surnommée « pétrole du XXIème siècle », cette technologie trouve son principal investisseur dans la TSMC, née en 1987 de la volonté politique du Premier Ministre de l’époque. Depuis 2021, l’entreprise a lancé des projets greenfield (IDE de l'entreprise dans un pays tiers) d'abord aux États-Unis, puis au Japon et en Allemagne. Cette stratégie d’investissement intervient un an après que Contemporary Amperex Technology Co. Limited (CATL) et Zijin Mining Group, ses principales rivales chinoises, aient investi plus de 7,5 milliards en Hongrie et 5 milliards de dollars en Indonésie.

En réaction à la montée en puissance de la production de semi-conducteurs en Chine continentale, notamment via Nexchip, et à la concurrence coréenne, le « Startup Global Program » taïwanais, renouvelé début mai 2025 par le ministère du Développement national, entend faire de Taiwan un partenaire de confiance en matière de promotion de l’entrepreneuriat et de l’innovation mondiale. Depuis son lancement en 2015, le programme a reçu les candidatures de plus de 3 300 startups. Parmi elles, la startup française Wise Integration s’est associée à TSMC pour développer un microcontrôleur numérique qui exploite la technologie du nitrure de gallium.

Le pays est également un acteur clé de l'économie numérique. En 2025, Taïwan continue d’attirer les investissements étrangers avec une augmentation significative des dépenses allouées dans ce secteur (4,99 milliards USD), dans le cadre du plan DIGI+. Ce plan intègre des technologies numériques avancées telles que l'exploitation approfondie des ressources de données de Taïwan, les communications par satellite au-delà de la 5G, les semi-conducteurs de nouvelle génération, la transformation numérique des industries basées sur le cloud et la construction de réseaux avancés.

Enfin, d’autres marchés restent à défricher, tels que celui de l’efficacité énergétique ou des matériaux de construction innovants. L’éolien offshore dont Taïwan est devenue le leader asiatique (hors Chine continentale) offre également des opportunités d’investissements pour les sociétés à la recherche d’une diversification de leur portefeuille.

Malgré une augmentation des exportations manufacturières et des commandes à l'exportation en mars 2025, les indicateurs économiques composites ont chuté, reflétant une prudence accrue due aux risques géopolitiques et aux tensions commerciales. Parmi ces derniers on souligne les récentes tensions trans-détroit – y compris de nature militaire - entre la Chine et Taïwan, mais également la menace de droits de douane américains sur les puces électroniques et la montée en puissance de la concurrence mondiale aux produits TSMC. Les incertitudes qui en résultent ont affecté les perspectives économiques de Taïwan et peuvent diminuer son attractivité. C’est pour cette raison que le pouvoir exécutif entend aussi se recentrer sur des partenariats avec les acteurs locaux.

Dans ce contexte, pour les investisseurs, il est essentiel de réaliser une veille ciblée des indicateurs économiques et politiques locaux ainsi que des facteurs de risques géopolitiques associés à Taiwan. Une gestion rigoureuse de ces indicateurs et facteurs de risques peut permettre d’identifier et saisir des opportunités d’affaires, en limitant de potentielles répercussions sur les investissements. Risk & Ops peut vous accompagner opérationnellement dans la gestion de ces risques. Prenez contact avec nous : contact@riskandops.fr.