La transition durable du Chili a commencé durant le premier mandat de Michelle Bachelet, en 2006. Véritable socle de la politique de développement du pays, l’actuel Président Gabriel Boric fait de la croissance durable une des mesures phares de son mandat, appuyé par le Plan de Décarbonisation de l’économie chilienne d’ici 2050.
La profusion en ressources naturelles au Chili lui permet de s’engager sur la voie de l’industrialisation verte, consistant en la production de biens et de services de manière durable. La recherche d’investisseurs étrangers demeure un point capital pour Santiago, qui souhaite s’imposer comme un acteur de premier plan dans le domaine des énergies renouvelables. De nombreux aléas climatiques, infrastructurels et écologiques entravent ces développements à l’heure actuelle mais offrent néanmoins des opportunités d’investissements pour pallier ces difficultés.
La valorisation des ressources naturelles au Chili : un atout clé pour sa stratégie de développement durable
Du fait de son étirement géographique, le Chili dispose de paysages très diversifiés, allant des déserts aux plaines, en passant par les volcans, lui procurant ainsi d’un large panel de ressources naturelles. La présence de roches volcaniques et de sel a permis la formation de gisements de lithium dans le salar d’Atacama, situé à proximité de la frontière avec la Bolivie. Aujourd’hui, selon la Direction générale du Trésor, les réserves de lithium du Chili sont de 9,3 millions de tonnes. Ce taux est inégalé par les autres pays détenant cette ressource, comme l’Australie, la Chine, l’Argentine ou encore les Etats-Unis. Ce métal est particulièrement convoité pour la transition énergétique, notamment pour la production de batteries, essentielles à la fabrication des voitures électriques et des technologies de demain. Selon l’Institut Français des Energies Nouvelle, la demande en lithium s’est accrue de 20% par an ces dernières années, influant positivement l’économie chilienne.
Le désert d’Atacama, une zone particulièrement aride, regorge également de ressources abondantes en cuivre. Le Chili a fait de l’exploitation du métal rouge l’un des socles de son économie au cours des dernières décennies. Les multiples points d’extraction – en comptant la mine La Escondida, la plus large au monde, permettent à Santiago d’être aujourd’hui le premier producteur mondial de cuivre, comptabilisant 24% des extractions mondiales.
Grâce à son exposition constante au vent, en Patagonie, dans la région des Magallanes et dans les zones désertiques au nord, le Chili dispose d’un immense potentiel pour développer les infrastructures éoliennes. De même, le taux d’ensoleillement étant très élevé au Nord du pays, de nombreux parcs de panneaux photovoltaïques ont émergé ces dernières années. Grâce à la présence des Andes sur son territoire, le Chili possède la chaîne volcanique la plus étendue au monde, qui s’étend sur plus de 4300 kilomètres et compte 2085 volcans. Par conséquent, l’activité géothermique y est particulièrement intense et détient un fort potentiel de production d’énergie durable. De même, le Chili dispose de larges quantités de biomasse. Enfin, la présence de fleuves et de cours d’eau, dépendant des glaciers des Andes, procure au Chili de vastes possibilités de production d’électricité, par la construction de barrages hydroélectriques.
Mais la situation des ressources naturelles au Chili reste avant tout marquée par une très faible présence d’énergies fossiles, telles que le gaz et le pétrole. Bien que certaines mines de charbon permettent au Chili de contribuer à faible échelle à sa production d’électricité, leur exploitation reste limitée, au fur et à mesure de la fermeture des zones d’extraction dans le sud du pays. Par conséquent, Santiago dépend grandement des importations de ressources des pays partenaires et demeure sujet aux variations des cours du marché. Selon l’Agence internationale de l’énergie, les principaux pays importeurs de pétrole au Chili sont principalement les Etats-Unis, l’Argentine et Trinité-et-Tobago.
Les politiques publiques du Chili ont fait office de tremplin vers la transition écologique, accélérée par Gabriel Boric. Le pays poursuit une politique visant à atteindre la neutralité carbone en 2050. Cette ambition se matérialise notamment par la fermeture de neuf centrales à charbon depuis 2019, n’en laissant que dix-neuf actives ou encore le développement de l’hydrogène vert.
Enfin, la politique de valorisation des ressources permet à Santiago de mettre en exergue ses spécificités climatiques et de nouer de nouveaux partenariats commerciaux. L’économie chilienne repose en grande partie sur les exportations d’énergie renouvelables vers l’Argentine, l’Amérique du Nord et le Brésil. Santiago souhaite également pérenniser les exportations vers l’Asie, où le pays bénéficie déjà d’échanges renforcés avec le Japon et la Corée du Sud. Mais le partenariat le plus dynamique demeure celui avec la Chine, qui est à la fois le principal pays importateur et exportateur au Chili. Cette coopération s’est concrétisée lors de la signature du traité de libre-échange en 2005, remis à niveau en 2019.
Un marché partagé entre acteurs locaux et entreprises étrangères
L’exploitation des ressources naturelles chiliennes est gérée par des entreprises chiliennes mais également par des acteurs internationaux : européens, anglo-saxons, chinois et français. Certaines entreprises chiliennes affirment leur position sur le marché, comme Colbun. Cette entreprise détenue par le groupe chilien Matte, est un acteur clé de la production de l’électricité. Cependant, la vente en 2021 de la totalité de ses lignes de transmission au groupe hollandais APG et à l’entreprise espagnole Celeo Redes limite son autonomie.
L’extraction du cuivre au Chili, essentiel pour la transition énergétique, relève à plus de 30 % de l’entreprise publique Codelco (Corporacion Nacional del Cobre). L’Etat chilien détient totalement les actifs de cette entreprise, ainsi que de ses bénéfices. Le gouvernement chilien souhaite également étendre ses activités publiques dans le secteur du lithium. Pour cela, le Président Gabriel Boric a incité l’entreprise Codelco et la société chilienne SQM (Sociedad Química y Minera de Chile SA) à conclure un accord en mai 2024, pour permettre à l’Etat chilien de bénéficier de 70 % de la production de lithium jusqu’à 2030 et de plus de 85 % par la suite.
Grâce à une politique cherchant à attirer des investisseurs étrangers, les entreprises étrangères demeurent très actives au Chili. Le groupe anglo-australien BHP extrait le lithium de la mine de La Escondida, tandis que l’américain AES-Gener produit plus de 54 % de l’électricité au Chili, grâce à l’extraction du charbon. L’entreprise espagnole Naturgy a longtemps dominé le marché de la distribution de l’électricité au Chili mais son rôle est moins important aujourd’hui depuis qu’elle a vendu en novembre 2020 son réseau de distribution d’électricité à l’entreprise étatique chinoise China State Grid International Development Limited (SGIC).
La Chine est devenue un acteur majeur dans le secteur des énergies au Chili. Cette présence s’inscrit dans le projet chinois des Nouvelles Routes de la Soie – Belt and Road Initiative en anglais (BRI) - qui ne concentrent pas seulement ses investissements en Asie, en Europe et en Afrique mais également en Amérique du Sud. En 2021, l’adhésion du Chili à la Banque Asiatique d’Investissements pour les Infrastructures (AIIB), spécialisée dans le financement des Nouvelles Routes de la Soie, marque un tournant et permet à Pékin de bénéficier davantage des ressources naturelles chiliennes, en particulier des métaux.
De son côté, le Chili privilégie le développement de relations bilatérales avec son partenaire chinois, en raison des opportunités d’investissements. Pékin est ainsi un acteur central dans la production et la distribution de l’électricité au Chili. Il a développé cinq barrages hydroélectriques au Chili, dans le cadre du projet Pacific Hydro. L’acquisition de l’entreprise Chilquinta Energia par la Chine en 2020 permet à Pékin de détenir plus de 60 % de la distribution électrique au Chili.
Les entreprises françaises sont très actives au Chili, et plus particulièrement dans le domaine des énergies renouvelables. Le groupe EDF est présent dans le nord du pays, où il développe l’énergie solaire à travers des parcs de panneaux photovoltaïques. ENGIE produit également de l’électricité, en se concentrant sur le gaz et le charbon. Enfin, la France contribue au développement des énergies renouvelables au Chili via les subventions européennes pour la construction de parcs de panneaux photovoltaïques.
Un marché en plein essor qui fait face à des défis structurels
Malgré un potentiel énergétique très élevé, Santiago fait face à des fragilités infrastructurelles concrètes. La transmission électrique est assurée par trois réseaux de lignes électriques distincts : Sistema Electrico Nacional (SEN), le Système d’Aysén et le Système de Magallanes, au sud du pays. L’entreprise Transelec se charge de la majorité de la transmission de l’électricité, aux côtés de l’entreprise chinoise SGIC et du groupe italien Chilectra. ENGIE est également un acteur majeur de la transmission de l’électricité au Chili et possède 2 400 km de lignes électrique. Si la plupart du pays dépend principalement du SEN, la division du réseau fragilise l’homogénéité de l’offre électrique. Enfin, la gestion des réseaux revient aux entreprises qui agissent pour la distribution ou la transmission du réseau.
Le Chili est régulièrement confronté à des pannes électriques de grande ampleur mais la privatisation de la distribution de l’électricité empêche le pays de pouvoir s’impliquer concrètement dans ces affaires. La dernière coupure de courant, le 25 février 2025, a touché durant huit heures 95 % du pays. Elle a été causée par des failles techniques au niveau du réseau de transmission, géré par l’entreprise colombienne ISA Interchile. Par conséquent, l’activité économique du pays a été paralysée et l’état d’urgence déclaré par le Président Gabriel Boric, inquiet de voir la situation sécuritaire se détériorer. De plus, en 2023, les problèmes de stockage à long terme ont mené à la perte de 10 % de l’énergie verte produite.
L’exposition aux risques sismiques et climatiques, telles que les inondations et les périodes de sécheresses intenses, est un obstacle décisif dans le développement d’infrastructures énergétiques. Les enjeux de sécurisation des réseaux de production et distribution de l’énergie électrique offrent néanmoins des opportunités d’investissement pour les entreprises, qu’elles soient chiliennes ou étrangères. A titre d’exemple, ENGIE s’est engagé, en 2024, dans le développement de projets de méga batteries pour stabiliser son réseau de distribution électrique.
Le modèle d’exploitation des ressources rares, comme le lithium, est confronté à des limites de modernisation et d’investissements. Si le Chili détient les réserves de lithium les plus abondantes, il n’en est que le deuxième producteur au monde, après l’Australie. Les investissements massifs mis en place par Canberra au cours des dix dernières années dépassent ceux du Chili, exacerbant ainsi son retard. Le pays cherche à pallier ce problème, grâce au récent partenariat entre la société publique CODELCO et la société chilienne cotée Sociedad Química y Minera de Chile SA (SQM)
Enfin, le développement de projets de production d’énergie, comme la construction de barrages dans le sud ou la prolifération de parcs éoliens plus au nord se heurte parfois aux oppositions des mouvements environnementaux. L’extraction de lithium et du cuivre requièrent de larges quantités d’eau. Les communautés locales de la région d’Atacama s’opposent régulièrement au développement de ces activités, tandis que le désert demeure la région la plus aride au monde. En outre, les activités d’extraction des minéraux nécessitent l’utilisation de produits toxiques pour l’environnement et pour la santé publique. C’est dans ce contexte que, depuis les années 1990, le village de Quillagua, situé dans la région d’Antofagasta, a perdu plus de 90 % de sa population, en raison de la pollution du fleuve local à l’arsenic et à l’acide sulfurique. De même, en raison de la sécheresse aigüe depuis plusieurs années, le développement de barrages hydroélectriques entraîne une fragilisation des écosystèmes et de la biodiversité locale. Par exemple, le projet de construction du barrage HidroAysén a suscité une forte mobilisation de la part des militants écologistes et de la population locale dès 2005. Le projet fut finalement abandonné en 2017, à la suite des pressions de l’opinion publique.
Dans ce contexte, il est essentiel de prendre en considération les conjonctures politiques et économiques du secteur des énergies au Chili. Une gestion rigoureuse des risques peut permettre de saisir des opportunités d’affaires en limitant les impacts possibles. Risk & Ops peut vous accompagner opérationnellement dans la gestion de ces risques. Prenez contact avec nous contact@riskandops.fr.