Mexique : risques et opportunités

Par Risk & Ops | 4 mars 2025 | Actualités

Depuis l’élection de Claudia Sheinbaum en juin 2024, le Mexique connaît une transition politique marquée par des réformes majeures et la poursuite des politiques économiques initiées par son prédécesseur, Andrès Manuel Lopèz Obrador.

Quinzième puissance économique mondiale, le pays bénéficie d’une économie dynamique, soutenue par le "nearshoring", des accords commerciaux stratégiques et un fort potentiel d’investissement dans l’énergie, les infrastructures et l’industrie.

Malgré les défis liés à une forte criminalité dû aux Cartels et aux tensions commerciales avec les États-Unis, le Mexique reste une destination attractive pour les investisseurs, offrant stabilité macroéconomique, main-d'œuvre peu couteuse et des débouchés potentiellement importants vers l’Amérique du Nord.

Claudia Sheinbaum, candidate du parti Movimiento de Regeneracion Nacional (Morena) a remporté l'élection présidentielle le 2 juin 2024 avec près de 60 % des voix. Morena et ses alliés ont obtenu une majorité des deux tiers à la Chambre des députés. Ces élections n’ont pas été exemptes de tensions, donnant lieu à des contestations de la part de l’opposition. D'après Reuters, l'opposition a exprimé des plaintes, estimant que la coalition au pouvoir devrait disposer de moins de sièges à la Chambre des députés.

Au-delà de ces contestations, la victoire de Morena, le Mouvement régénération nationale, un parti politique mexicain issu du mouvement social, ouvre la voie aux vingt-trois réformes constitutionnelles que le chef de l’État sortant, Andrés Manuel López Obrado a laissé en héritage à la présidente actuelle. Parmi ces réformes figure un projet de refonte du pouvoir judiciaire, qui prévoit l’élection directe des juges, au nom de la lutte contre la corruption et les privilèges. Cette réforme a suscité des débats, notamment sur l'indépendance des institutions. Les États-Unis et le Canada craignent que cette réforme nuise à la confiance des investisseurs et menace la démocratie mexicaine. Ken Salazar ambassadeur des Etats-Unis au Mexique a par exemple déclaré que cette réforme pourrait « faciliter l’influence des cartels et d’acteurs malveillants sur des juges sans expertise ».

Parallèlement aux enjeux institutionnels, la période électorale a été marquée par une recrudescence de la violence, faisant de cette élection l’une des plus meurtrières de l’histoire récente du pays. Au total, selon les données publiques, il a été recensé 97 assassinats politiques, dont 37 candidats ou pré-candidats. Face à cette montée de la violence, le nouveau gouvernement annoncé des mesures pour lutter contre les cartels de la drogue, notamment l’augmentation des effectifs de la Garde Nationale à 130 000 membres en 2024.

Les grandes lignes du mandat de l’ancien président sont amenées à perdurer sous Claudia Sheinbaum avec la poursuite de l’augmentation du salaire minimum, des programmes sociaux et d’infrastructures et du soutien aux entreprises étatiques. Sur le plan social, l’égalité femmes-hommes et la protection des femmes contre les violences structurent le programme du nouveau gouvernement. Des objectifs environnementaux, comme la reforestation et l’extension des zones protégées sont également des points forts du programme.

Concernant les politiques économiques, depuis 2012, le Mexique a entrepris de nombreuses réformes macroéconomiques et structurelles qui ont apporté des progrès majeurs par exemple dans les domaines de l’éducation, de l’aide sociale, de l’énergie et des télécommunications.

Le nouveau gouvernement se déclare enclin à soutenir la souveraineté alimentaire, le maintien des services publics, la régulation des prix de l’énergie et de l’électricité. De plus, Mme Sheinbaum affiche une ambition forte en matière d’investissement dans les énergies renouvelables, dans de nouvelles infrastructures ferroviaires, routières, aéroportuaires, ainsi que la construction de nouvelles raffineries pétrolières.

Selon les données de la Banque Mondiale, en 2023, le Mexique était la 15ᵉ économie mondiale en termes de PIB nominal. L'économie mexicaine a enregistré une croissance de 3,2 % cette année-là. Les chiffres récents de la plateforme « Trading Economics » montrent que l'inflation en janvier 2025 était de 3,59 %. La tendance de 2024 et début 2025 semble donc indiquer une croissance économique lente mais stable, avec un léger recul de l'inflation (-1 %) et une légère croissance du PIB de 0,6 %. 

 

Les indicateurs économiques en 2023 étaient encourageants :

 

Indicateur

Valeur en 2023

PIB par habitant

12 174 euros

Taux de chômage

2,8 %, soit 3,612 millions

Population totale

Environ 129 millions d’habitants

Investissements étrangers directs

1,7 % du PIB

Dette publique

6 111,64 milliards d’euros (45,3 % du PIB)

Migration nette

-101 044 personnes

 

Le PIB du Mexique est donc environ 5 fois supérieur à celui de la Colombie (1788,89 milliards de dollars américains en 2023 pour le Mexique, contre 363,54 milliards de dollars américains en 2023 pour la Colombie).

Il est cependant 15 fois inférieur à celui des Etats-Unis (27 360,94 milliards de dollars en 2023).

En 2023, les investissements étrangers direct au Mexique représentaient 1,7% du PIB, tandis qu’ils représentaient 4,7% du PIB en Colombie et 1,3% du PIB des Etats-Unis.

Au-delà de ces indicateurs macroéconomiques, le commerce extérieur joue un rôle clé dans la dynamique économique du pays.

Son principal partenaire, les États-Unis, représentaient en 2022 plus des trois quarts des exportations du pays (78,1 %). Membre de l'Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM), le Mexique bénéficie ainsi d’un accès privilégié au marché nord-américain et d’un accès à plus de 60 % du produit intérieur mondial. Le Mexique mise surtout sur les retombées de sa stratégie de « nearshoring », qui consiste à relocaliser la production dans des pays proches. Cette stratégie vise à attirer les entreprises souhaitant accéder au marché américain. Le pays a aussi signé une douzaine d'accords de libre-échange avec une quarantaine de pays différents. Parmi eux, l’Union Européenne, le Japon et l’Alliance du Pacifique avec la Colombie, le Chili et le Pérou. Cependant, la réélection de Donald Trump en 2024 a suscité des inquiétudes quant à un possible ralentissement économique au Mexique en raison de politiques protectionnistes annoncées. La menace d'une hausse de 25 % des droits de douane, suspendue temporairement par le président Trump le 3 février, alimente des appréhensions.

La somme des importations du Mexique s’élève en 2023 à 623.97 milliards d’euros. Selon les données publiques, le pays importe principalement des huiles de pétrole, des pièces et accessoires pour véhicules à moteur et des circuits intégrés électroniques. Au total, 43% des importations de biens proviennent des Etats-Unis, 19% de la Chine et 9% de l’Europe. En 2023, les exportations du Mexique ont atteint 600.88 milliards d’euros, principalement composées de véhicules, d’équipements électriques et mécaniques, de combustibles minéraux et d’appareil médicaux. Au total, 83% des exportations le sont à destination des Etats-Unis, 4% d’Europe et 3% du Canada.

Selon l’Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE), le Mexique a « un grand potentiel pour attirer les investissements des entreprises cherchant à délocaliser leurs opérations en Amérique du Nord ». Ce potentiel est le fruit, d’une main d’œuvre peu onéreuse, d’une politique de support aux investissements dynamisée par le gouvernement mexicain, via en particulier, le "Plan México", visant à réduire la dépendance aux importations chinoises et à renforcer la production locale. Mais aussi le programme IMMEX, dont le but est de stimuler l'importation temporaire de biens utilisables dans un processus ou un service industriel et le programme PROSEC, dont le but est de favoriser l’importation de diverses marchandises pour le secteur industriel. Nous notons également qu’en avril 2025, un plan majeur visant à optimiser l’agriculture et l’agro-industrie devrait être approuvé.

Tous ces atouts font une économie mexicaine diversifiée, avec des secteurs attractifs pour les investisseurs étrangers tels que l’automobile, l’aérospatiale, l’électronique, l’énergie et le tourisme.

Selon les dernières données de la Banque mondiale, l'agriculture représente 4 % du PIB du Mexique et emploie 12 % de la population active du pays. Le Mexique est la septième puissance agricole mondiale et compte parmi les plus grands producteurs de café, de sucre ou encore de maïs. Le secteur de l’'industrie emploie 26 % de la main-d'œuvre mexicaine et représente 33,6 % du PIB. Le pays est l'un des dix plus grands producteurs de voitures au monde. On estime que le secteur manufacturier représente à lui seul 21 % du PIB. Le Mexique est l'un des principaux producteurs mondiaux de nombreux minéraux, dont l'argent, la fluorine, le zinc et le mercure. Le secteur des services constitue 57,6 % du PIB et emploie 62 % de la population active. Le tourisme est un secteur vital pour l'économie mexicaine. Pour l'ensemble de l'année 2022, le PIB touristique s'est élevé à 8,5 % du PIB national.

Cependant la petite criminalité et la violence extrême des Cartels qui gangrène le pays demeure un défi majeur pour le pays. L’organisation Armed Conflict Location & Event Data (ACLED), décrit la violence au Mexique comme « extrême ». ACLED classe les violences dans le pays comme les 7ème plus meurtrières et 2ème plus dangereuses pour les civils dans le monde. Quelques chiffres clés illustrant les défis sécuritaires :

  • Depuis 2006, 450 000 morts et plus de 100 000 disparitions liées aux cartels.
  • Entre décembre 2023 et novembre 2024 : 7 327 actes de violences politiques et 8 110 morts.
  • Sur la même période : 5 828 actes violents ciblant les civils.
  • Les cartels emploient près de 200 000 personnes.
  • En moyenne, les cartels recrutent 350 nouveaux membres par semaine.

Cependant, selon un rapport de 2024, de l’Institut pour l’économie et la paix, la situation se s’améliorerait depuis 4 ans, l’organisme mesurant en particulier une baisse de 1.4% en 2023.

Parmi les Cartels qui sont les plus néfastes dans le pays on note, le cartel de Sinaloa, réputé comme l’un des plus influents du pays. De son côté, le cartel de Jalisco Nouvelle Génération (CJNG) se distingue par son extrême violence et sa croissance rapide. Ce dernier représente une menace importante pour les civils en raison de son recours aux massacres, aux exécutions publiques, aux affrontements violents avec les forces de sécurité, aux enlèvements. La possible fragmentation du cartel de Sinaloa pourrait profiter au CJNG, qui cherchera à étendre son influence dans les principales zones de conflit. En réponse, le gouvernement Sheinbaum pourrait adopter des mesures plus strictes contre le cartel de Sinaloa, accentuant encore la dynamique de violence.

 

 

Violences politiques au Mexique, du 1er décembre 2023 au 29 novembre 2024

Source : ACLED, https://acleddata.com/mexico/

 

Les zones les plus touchées sont les États de Jalisco, Michoacán, Guanajuato, Guerrero et Zacatecas. La frontière nord, notamment les États de Tamaulipas, Chihuahua et Sonora, est également fortement affectée en raison des routes stratégiques du trafic de drogue vers les États-Unis.

En 2025, un changement majeur est intervenu : un décret signé par le président Donald Trump, le 20 janvier, a classé les cartels mexicains de la drogue comme « organisations terroristes ». Ce décret donne aux États-Unis de nouveaux leviers pour exercer une pression sur le gouvernement mexicain.

L’armée mexicaine est à la pointe de la lutte contre les gangs. En 2009, environ 36 000 militaires et policiers (dont 8 500 dans la seule ville de Juárez, au nord de l’État de Chihuahua) luttaient contre environ 100 000 hommes armés des cartels. En décembre 2019, le gouvernement a déployé environ 75 000 gardes nationaux pour renforcer la lutte contre les cartels.

 

Avant son élection à la Présidence du Pays, Claudia Sheinbaum dirigeait depuis 2018 le gouvernement de la ville de Mexico. À la fin de son mandat, en 2023, l’État du Mexico avait gagné 3 places dans le classement du niveau de paix moyen des 32 États mexicains de l’Institut pour l’économie et la paix. Cette dernière rejette l’idée d’un retour à la guerre contre le narcotrafic. Elle privilégie une approche ciblée, concentrant les ressources sur les États les plus violents du Nord et de la côte Pacifique. Sa stratégie repose sur la lutte contre les « délits à fort impact », comme l’extorsion. Elle mise aussi sur le renforcement des capacités de renseignement, via la création d’un sous-secrétariat de renseignement et d’enquête policière au sein de la Garde nationale. Dans une analyse visant à mesurer l’évolution de la violence en 2025, ACLED souligne que les conflits entre les organisations criminelles risquent de s’étendre à de nouvelles zones. Une pression économique accrue des États-Unis pourrait, selon certains observateurs, contraindre la Présidente Sheinbaum à adopter une posture plus dure contre le crime organisé.

Un autre défi majeur du Mexique est la corruption. Celle-ci affecte tous les secteurs, y compris le système judiciaire. La réforme constitutionnelle prévue en juin 2025 vise justement à pallier cette tendance. Le Mexique a gagné, en 2023, 31 points sur 100 dans l'Indice de perception de la corruption rapporté par Transparency International.

 

Dans ce contexte, il est essentiel de réaliser une veille analytique des évolutions politiques, économiques et de décrypter l’activité des Cartels dans les zones d’investissements ou de production. Il convient également de prêter une attention particulière aux pratiques d’affaires des partenariats locaux potentiels et de leur proximité éventuelle avec des organisations criminelles. Une gestion rigoureuse des risques peut permettre de saisir des opportunités d’affaires en limitant les impacts possibles. Risk & Ops peut vous accompagner opérationnellement dans la gestion de ces risques. Prenez contact avec nous contact@riskandops.fr.